MÉTROPOLE LILLOISE : LES HABITANTS EN MANQUE DE PISCINE

Un bassin pour 39 000 personnes à Lille contre un pour 10 000 en moyenne dans le reste de la France, selon le ministère des Sports : la situation est critique. Face au vieillissement des bassins, la Métropole européenne de Lille (MEL) a lancé le plan Piscine 2 en 2022. Point sur quatre piscines. 

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Nouveau visage, nouveau nom, nouvel accès pour les personnes à mobilité réduite, mais surtout nouveaux chiffres. La piscine Marie-Wattel, c’est 4 000  m3 d’eau économisés chaque année et 19 tonnes de CO2 produites en moins. Économies de chauffage, meilleure filtration de l’eau, production photovoltaïque pour l’électricité : le résultat d’un an de travaux et de 4,7 millions d’euros d’investissement.

Pour Hélène Lebègue, responsable de la piscine, le choix de la rénovation est à la fois politique, économique et pratique. « Il fallait faire vite pour que les enfants puissent avoir rapidement accès à un bassin. »

Avoir une piscine, pour une commune, c’est synonyme de prestige, de loisirs et d’accès aux sports. La responsable du bassin voit grand : d’ici à quelques années, elle espère 90 % de réussite au test « Savoir nager » à la fin de la sixième. Depuis l’ouverture, la piscine a recruté un nouveau maître-nageur et propose davantage de leçons et d’activités.

> À Saint-André, les adeptes du grand bain sur le carreau

Des volets baissés : c’est ce qu’a trouvé Thierry, usager de la piscine de Saint-André-lez-Lille, un matin de décembre 2022. Fermée soudainement après la découverte de corrosion et d’infiltration, la piscine ne rouvrira pas.

À la place, en partenariat avec Marquette-lez-Lille, la mairie projette de construire un bassin de 50 mètres sur la friche Solvay, à cheval sur les deux villes. Cette infrastructure devrait voir le jour en 2028 ou 2029 et serait financée à 70 % par la MEL, dans le cadre du plan Piscine 2.

Un projet qui ne satisfait pas l’opposition au conseil municipal. Elle regrette l’absence de bassin provisoire pendant les travaux. Thierry, lui, a cessé de nager : « Il n’y a plus rien aux alentours. La piscine Marx-Dormoy de Lille, ce n’est pas très accueillant et je n’ai pas envie de prendre la voiture. »  Le futur bassin olympique, il le voit plutôt d’un bon œil. « J’espère que ça ne sera pas trop cher. »

Le manque de transparence de la mairie « sur les alternatives possibles » est aussi pointé du doigt, indique Cyprien Richer, élu d’opposition. Selon lui, la population n’a pas été assez consultée. D’autant que la piscine fait partie du paysage andrésien depuis plus de cinquante ans.

En réaction, l’opposition se mobilise. Elle a déposé un recours début décembre 2024 contre la maire Élisabeth Masse, suspendant la démolition de la piscine. Elle attend désormais une réponse de sa part, avant de solliciter la justice administrative. Contactée, la mairie n’a pas donné suite à nos sollicitations.

> Marx-Dormoy : à l’agonie, le dernier bassin olympique de Lille rend son dernier souffle

« Cette piscine a fait son temps, son état est déplorable ! » observe Hervé, nageur régulier de Marx-Dormoy. En 2022, la maire Martine Aubry (PS) annonçait d’ailleurs sa fermeture imminente. Une étude menée par la MEL lui donnait une espérance de vie de trois ans maximum. Au-delà, le bassin présenterait « un problème de sécurité pour les nageurs ». Les raisons exactes n’ont pas été dévoilées. Marx-Dormoy fermera ses portes à l’été 2025, après cinquante-deux ans d’existence.

L’établissement est le seul de la métropole équipé d’un bassin aux dimensions olympiques. Judith Deck-Schegg, licenciée du Lille Université Club, déplore : « Laisser la ville sans bassin de 50 mètres pendant plusieurs années, c’est tuer toute possibilité de haut niveau. » Pour y remédier, l’aménagement d’un bassin provisoire de 50 mètres est prévu porte d’Arras. Les travaux devraient débuter dans quelques semaines, pour une livraison à l’été 2025. Le coût, estimé à 11 millions d’euros, est partagé entre la MEL et la mairie de Lille. Une somme conséquente pour un équipement qui ne durera qu’entre dix et quinze ans, et ne sera ouvert qu’aux scolaires et aux clubs sportifs. Arnaud Deslandes, premier adjoint lillois, indiquait en décembre dernier à La Voix du Nord que l’ouverture au public serait « étudiée selon les possibilités ».

> Le projet de piscine olympique à Saint-Sauveur en eaux troubles

La gare de marchandises de Saint-Sauveur ferme et laisse derrière elle un terrain de 23 hectares. La mairie et la MEL y voient l’opportunité d’aménager un éco-quartier en plein cœur de la ville au début des années 2010, avec 2 500 logements, des bureaux et une piscine olympique.

Mais l’opposition – majoritairement écologiste – veut préserver la friche pour en faire un parc dans l’une des villes les moins vertes de France. Pour Claire, présidente du collectif Fête la friche créé en 2016, le complexe sportif est « monstrueux », notamment le bassin de plongée de 40 mètres de profondeur. Pour préserver la biodiversité, deux associations déposent un premier recours au tribunal administratif en septembre 2018. C’est une victoire : le bassin de plongée tombe à l’eau.

Laisser la ville sans bassin de 50 mètres, c’est tuer toute possibilité de haut niveau. 
Judith Deck-Schegg, licenciée du Lille Université Club

Avocate des associations, Muriel Ruef perçoit quant à elle un manque de cohérence : « À Lille, les gens ont besoin de piscines de quartier de 25 mètres pour apprendre à nager, pas d’une telle infrastructure. » Et Claire d’ajouter : « La MEL tient un discours populiste et larmoyant sur le niveau de nage de nos enfants, mais le plus urgent aujourd’hui c’est d’améliorer l’air qu’ils respirent avec des espaces verts. »

Un bassin nécessaire ?

Ce projet pose problème, mais les clubs de natation en ont besoin. Rénover la piscine Marx-Dormoy serait plus cher que d’en édifier une ex nihilo. « Pourquoi alors ne pas raser Marx-Dormoy et la reconstruire au même endroit ? » questionne Claire, qui dénonce un manque de transparence de la MEL et de la mairie de Lille vis-à-vis des travaux. Aujourd’hui, Fête la friche attend le verdict du dernier recours déposé. Dans l’attente des municipales en mars 2026, la militante se réjouit du succès des mobilisations qui ont permis de retarder le projet.

Si le bassin de plongée a été abandonné, pour la MEL et la mairie, le projet de piscine est toujours d’actualité. Reste à savoir s’il verra le jour. En attendant, la MEL prévoit un bassin de nage temporaire vers la porte d’Arras, pour remplacer celui de Marx-Dormoy.

C'est quoi le plan Piscine 2 ?

Objectif : rénover les bassins, en construire de nouveaux et généraliser la pratique de la natation. 
En chiffres, ça donne quoi ? 70 % des travaux et 50 % du coût d’entretien annuel sont pris en charge par la MEL. Le budget alloué aux communes pour l’apprentissage des élèves est passé de 2 millions à 2,6 millions d’euros annuels.  6 projets sont déjà initiés, comprenant 5 nouvelles piscines, dont une à Lille Fives en 2027, et un agrandissement.
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