Maire, éleveur et sinistré : Maxime Delianne raconte sa bataille contre les inondations

L’agriculteur et édile de Maresville dans le Pas-de-Calais a dû répondre aux dégâts causés par les inondations en novembre 2023. D’une part en réparant les dommages sur sa propre exploitation agricole, d’autre part en apportant son soutien aux victimes de sa commune.

« Il y a un an, ce chemin était sous l’eau, on était complètement bloqués », raconte Maxime Delianne, depuis le sentier qui mène à sa ferme. Cet immense domaine de 22 hectares, situé à l’entrée de Maresville – à dix kilomètres de Montreuil-sur-Mer – et traversé par la Dordonne, porte encore les stigmates des inondations.

Assez vite, l’éleveur de moutons montre l’ampleur des dégâts : « Toute la cour et les granges étaient sous un mètre d’eau. » Les murs, noircis par l’accumulation de l’eau, attestent de la violence des inondations. Le 6 novembre 2023, environ 70 millimètres de pluie ont été recensés dans la zone de Montreuil-sur-Mer. Soit l’équivalent de plusieurs semaines de précipitations,  selon Météo France. « C’était un raz-de-marée, l’eau est montée en 30 minutes », explique Maxime. Ses premières réactions ont été d’évacuer son troupeau à l’arrière de la ferme, puis de sauver son matériel. Une réactivité qui n’a pas suffi à limiter les dégâts, dont le coût s’élève à 50 000 euros. « Tout l’atelier a pris l’eau, les chauffe-eau, le tracteur. J’ai aussi perdu quelques agneaux. Avec le stress, certaines brebis ont avorté », explique l’éleveur.

Tout en protégeant son cheptel, Maxime Delianne, maire de la commune depuis 2020, devait également  aider la population sinistrée. « C’était compliqué… on passait nos journées, nos nuits au téléphone. Tout le monde était en panique, tout le monde avait besoin d’aide. » Un moral difficile à tenir quand seulement quatre jours après, une seconde inondation a eu lieu : « La deuxième fois, on est blasés. »

Un an après les incidents, de nombreuses victimes restent encore bouleversées. De son côté, Maxime Delianne analyse les conséquences des inondations avec pragmatisme : « Pendant un mois il n’a quasiment pas arrêté de pleuvoir, ce qui fait que toutes les terres étaient déjà gorgées d’eau. » Une prise de recul qui n’empêche pas la tristesse : « psychologiquement c’est compliqué, physiquement c’est dur, c’était une période difficile. » L’agriculteur revient sur cet épisode traumatisant en avouant, le regard désabusé, que l’envie d’arrêter son activité lui a traversé l’esprit.

La passion agricole, moteur de résilience

Issu d’une lignée de quatre générations d’agriculteurs, Maxime Delianne a toujours vécu dans le domaine familial de Maresville : « Ici, c’est plus qu’une ferme, c’est une histoire. Les inondations ont aussi détruit des souvenirs. » Quand il était jeune, le quadragénaire ne souhaitait pas reprendre l’exploitation familiale : « C’était un métier trop peu rentable. » Après des études en hôtellerie au Touquet, il se lance dans la restauration, loin des champs et des élevages. 

Pourtant, à 21 ans, il décide de reprendre l’élevage : « L’agriculture, ce n’est pas un métier qu’on choisit sur un coup de tête. C’est une passion. Et cette passion m’a rattrapée. » Toute son enfance, Maxime a travaillé dans la ferme : « Même si je ne voulais pas, j’y travaillais, parce que j’habitais ici. Au fond, j’ai toujours aimé ça. La ferme m’a coûté ma vie familiale, mais je ne regrette pas. »

Son ex-femme et ses deux enfants ont quitté la région il y a huit ans pour vivre dans le sud. Son fils aîné âgé de 19 ans était en vacances chez son père lors des inondations de novembre : « Il a passé trois jours et trois nuits à pomper avec moi. C’était compliqué pour les enfants. Chez leur mère, ils me voyaient à la télé, en stress. »

Malgré tout, Maxime Delianne n’a jamais vraiment envisagé de quitter sa ferme : « Ma vie, mes racines, mon métier, tout est ici. »

Cette passion, il la partage encore aujourd’hui avec son père qui habite une maison attenante au domaine. Il l’aide au quotidien. Entre deux bêlements des moutons, le bruit de ses outils trahit des travaux de rénovation, un an après les inondations. « Sa maison a pris l’eau aussi. On s’est serré mutuellement les coudes. Mentalement, ça nous a fait du bien. »

Une équipe du syndicat des Jeunes agriculteurs a également apporté son soutien à l’éleveur : « Une dizaine d’entre eux sont venus avec du matériel, pour m’aider à sortir le foin. » D’autres lui ont proposé de délocaliser ses moutons : « Cette solidarité au sein du monde agricole fait chaud au cœur. » Jonathan, habitant et fermier dans le village, témoigne : « Maxime a été au charbon alors que lui aussi a été inondé. Ma maison et mes voitures ont pris l’eau. On a pu venir en aide aux gens grâce à notre matériel d’agriculteur. Ce n’est pas à la portée de tous. »

Si la solidarité est de mise, les dégâts restent importants et les travaux avancent lentement : « Dans un an, j’y serai encore. »

Aujourd’hui, dès qu’il pleut, on est toujours en stress.
Maxime Delianne, agriculteur et maire de Marseville

Des inondations, Maxime en a connu d’autres. En 2012, Maresville a vu les eaux monter, mais de manière moins spectaculaire : « Ma grand-mère m’a appelé pour me dire qu’elle voyait plusieurs centimètres d’eau passer sur la route. Elle n’avait jamais vu ça. On pensait que c’était la crue centennale. Mais on s’est trompé. »

L’agriculteur aborde le changement climatique avec pessimisme. « On est impuissant. On peut tout faire pour l’éviter, mais la planète se réchauffe à l’échelle mondiale. On sait très bien que ça va revenir », soupire-t-il. Un fatalisme qui se retrouve dans l’aménagement de sa ferme face aux inondations. Le sinistré montre les digues construites pour contenir l’eau aux abords de la maison et sur le sol de la grange. Des efforts qui reste malgré tout insuffisants. « On peut investir tout ce qu’on veut, on ne sera jamais protégés à 100 %. »

Une solution pour limiter les dégâts se situe, selon lui, à une dizaine de kilomètres du village : « La rivière démarre à 15 kilomètres en amont, il faut travailler pour retenir l’eau, l’objectif est qu’elle s’écoule plus lentement. » Une ambition difficilement atteignable pour le maire,  et qui pourrait simplement déplacer le problème. 

Les risques d’une future inondation laissent Maxime Delianne méfiant :  « Ça laisse des traces. C’est indéniable. Aujourd’hui, dès qu’il pleut, on est toujours en stress. » Mais il relativise : « Moi, ma maison n’a pas été touchée. Certains sinistrés ont tout perdu : leur portefeuille, leurs meubles, leurs souvenirs. Ils n’ont plus rien. » Avec humour, il conclut : « À l’avenir j’espère ne plus revoir de journalistes. S’ils reviennent, c’est qu’il s’est passé quelque chose de grave. »

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