Une ferme d’élevage de saumons pourrait voir le jour dans le Boulonnais, suscitant l’inquiétude des associations écologistes.
9 000 tonnes de saumon par an, c’est l’objectif que s’est fixé l’entreprise Local Ocean avec son projet de ferme aquacole terrestre au Portel, dans le Pas-de-Calais. Un élevage de saumons d’une vingtaine de bassins, de 19 mètres de diamètre chacun, pourrait y être aménagé. Alain Treuer, son promoteur, la présente comme une solution moins polluante que l’élevage en mer que l’on trouve en Norvège ou en Écosse. Local Ocean utiliserait un système plus vertueux que les grands filets circulaires statiques dont les rejets entraînent une forte pollution en mer. L’idée : pomper dans la Manche 180 000 mètres cubes d’eau par jour et en rejeter la même quantité dans la rade du port de Boulogne-sur-Mer.
La majorité de l’eau ne sert qu’à refroidir le système, mais les 24 000 mètres cubes en contact avec les poissons posent problème. Mêlé aux déjections des poissons, le liquide rejeté dans la rade sera chargé en phosphore et azote. Ces substances favorisent la prolifération d’algues vertes, les phaeocystis, déjà visibles au printemps sur les côtes sous la forme d’une épaisse mousse blanche. D’après Jean-Luc Bourgain, biologiste marin spécialiste de la région, « leur prolifération marque une baisse de qualité de l’eau et aura des conséquences sur la vie marine ». Selon les estimations de l’Ifremer, le risque de ce rejet est la présence de ces algues toute l’année. Leur présence amoindrit la concentration en oxygène de l’eau, menaçant la faune et la flore locales.
Infrastructure « pharaonique »
Local Ocean annonce que l’eau sera traitée. Mais pour Jean-Luc Bourgain, cela s’annonce difficile : « Vu la quantité et le débit annoncés, ce n’est pas de l’eau qu’on stocke pour être traitée. »
Depuis les années 1980, la rade de Boulogne-sur-Mer est polluée par plusieurs métaux lourds. Ils sont aujourd’hui coincés sous les sédiments, mais les flux d’eaux rejetés par les bassins risquent de les libérer. « C’est comme si vous aviez un tuyau de karcher qui balançait de l’eau sur la plage. Au fur et à mesure, le sable va s’en aller. Les métaux piégés dans le sédiment vont aller dans la mer et la polluer », assure le scientifique.
Frédéric Fasquel, directeur du parc naturel marin des Estuaires Picards et de la mer d’Opale, reconnaît l’impact néfaste que ces pollutions pourraient avoir sur la biodiversité. Mais son avis défavorable n’a pas su convaincre le préfet de s’opposer au projet.
« Le problème, c’est que comme la ferme n’existe pas encore, on ne peut pas évaluer ses impacts. Ailleurs on a montré que ces projets polluent l’environnement, mais on n’est pas sûr des conséquences que cela aura ici », explique Denis Buhagiar, membre du collectif Non aux projets de pisciculture intensive dans le Boulonnais et élu d’opposition à Boulogne-sur-Mer. Même constat pour Jean-Luc Bourgain : « On n’évalue pas assez l’impact sur l’environnement de ces projets pharaoniques. Mais une fois que l’usine est construite… c’est trop tard. »

Aujourd’hui, la construction de la ferme reste suspendue à une ultime approbation administrative : celle de la direction départementale des territoires et de la mer. Le collectif a déposé des recours en juin 2024 auprès du tribunal administratif. Depuis, l’entreprise ne s’est pas manifestée et l’audience pourrait ne pas se tenir avant 2026. Le projet est-il avorté ? Contacté, Alain Treuer n’a pas répondu à nos sollicitations.