La piscine de Lambersart accueille des personnes aquaphobes tous les samedis. Accompagnées par l’association Osez l’eau, elles apprennent à maîtriser leurs angoisses.
« Allez viens, Sylvie. Bravo, c’est bien ! Regarde au fond de la piscine. » La voix rassurante de David Kujawa résonne sous le dôme de la piscine Jean-Guérécheau de Lambersart. Chaque samedi après-midi pendant deux heures, le maître-nageur aide une dizaine d’adultes à vaincre leur phobie avec Osez l’eau.
« Ma grand-mère avait peur, ma mère avait peur, moi j’ai peur », raconte Maryline en entrant dans le bassin. Avant d’ajouter, rapidement : « Enfin, j’avais peur .» Grâce à l’association, son appréhension s’est estompée. Une autre nageuse ajoute, en délaçant ses chaussures : « L’aquaphobie est souvent due à des traumatismes, des vieux bazars qui traînent. » Tout commence en classe de cinquième quand son maître-nageur la pousse dans la piscine. Une mauvaise blague dont découlent trente-trois années sans pouvoir mettre les pieds dans l’eau, trente-trois années à rester au bord du bassin.
Une peur aux origines variées
« Avant, il n’y avait pas de pédagogie avec les enfants », pointe André Biscop, le président de l’association. Sur le bord de la piscine, l’ancien aquaphobe regarde les baigneurs et baigneuses en souriant. La peur a des origines diverses : pour beaucoup, elle est liée à une expérience de noyade, ou à une mauvaise blague d’encadrants. En jetant les enfants à l’eau, les maîtres-nageurs d’hier ont créé des générations d’aquaphobes. Christian est l’un d’eux. Aujourd’hui retraité, il se souvient bien de la piscine de Roubaix. Sa crainte est née là-bas. Elle ne l’a pas lâché jusqu’à aujourd’hui : « Mes parents me racontaient qu’en vacances, une fois en bord de mer, je me mettais à hurler .»
Et puis un jour, Christian en a eu ras-le-bol de ne pas pouvoir accompagner ses petits-enfants à la piscine. Il s’est inscrit aux ateliers hebdomadaires d’Osez l’eau et son assiduité a payé. Aujourd’hui, il est capable de mettre la tête sous l’eau et de sauter dans le bassin profond de deux mètres.
Pédagogie positive et confiance
Trois fois par an, Osez l’eau propose des stages de deux jours à Lille avec les membres des autres antennes du Nord. La piscine est privatisée et le bassin chauffé à 32 °C pour créer des conditions optimales. « C’est important pour être en confiance dans l’eau et pour ne pas avoir peur du regard des autres », souligne David, le maître-nageur. À la piscine Jean-Guérécheau, les frites ont une autre saveur. Elles sont là, avec les bouées, pour épauler celles et ceux qui viennent braver leur peur. « Menton, plafond, bidon », répète David en regardant Christian esquisser des timides mouvements de dos crawlé.
Le mot d’ordre de l’association est la pédagogie positive. Les deux groupes de niveau sont pensés pour optimiser l’accompagnement et proposer des exercices adaptés. D’un côté, on apprend à maîtriser sa respiration. De l’autre, on s’aventure dans les grandes profondeurs du bassin.

Karim et David passent les deux heures de cours dans la piscine. Loin de la figure du maître-nageur sévère et sans scrupules qu’ont en tête la plupart des aquaphobes, ils adoptent une posture d’écoute. Dans l’eau, David n’hésite pas à lancer des discussions plus légères avec deux nageuses : « Ça permet de s’habituer au contact de l’eau et de penser à autre chose. »
Après deux heures dans le grand bain, il faut retourner dans l’hiver lillois. En laçant ses chaussures à la sortie de la piscine, Bertha, retraitée, se souvient de ses premières séances : « J’étais collée au mur, j’avais besoin d’un maître -nageur pour moi toute seule. Aujourd’hui je suis beaucoup plus à l’aise. » Et Sylvie ajoute : « Maintenant j’arrive à flotter. Je viendrai jusqu’à ce que je sache nager. »