Escaudœuvres : l’installation d’une usine de frites inquiète les riverains

À Escaudœuvres, près de Cambrai, la fabrique historique de sucre Tereos devrait être réinvestie par un puissant groupe spécialisé dans la production de frites surgelées, courant 2027. Le projet, gourmand en eau, inquiète une association de riverains bien déterminée à proposer une alternative. 

Les hauts plafonds des maisons sous lesquelles vivaient les cadres de l’usine témoignent du passé glorieux de la sucrerie Tereos. Dans le Cambrésis, la commune d’Escaudœuvres revêt le nom de Cité du sucre. Une appellation devenue obsolète depuis l’arrêt de la production en mars 2023. 

Après 150 années de fabrication et autant de campagnes betteravières, les Scaldobrigiennes et les Scaldobrigiens devraient voir débarquer des pommes de terre entre les murs de l’ancienne sucrerie. En octobre dernier, Agristo, géant belge de la frite surgelée, a fait une demande de permis de construire et d’autorisation environnementale pour installer sa nouvelle antenne de transformation. Les dossiers sont actuellement en cours d’instruction. Mais ce projet annoncé dès août 2023 n’est pas du goût d’un collectif de riveraines et de riverains, bien décidé à faire capoter l’opération. En cause ? De potentielles nuisances olfactives, les va-et-vient incessants du trafic routier, mais aussi la peur bleue d’un manque de ressource en eau.

Chaque année, 1 260 000  m³ d’eau seront engloutis

Parmi la trentaine de membres actifs de l’Association pour la qualité de vie, l’environnement des habitants d’Escaudœuvres et alentours (Aqverse), la présidente Dominique Quentin s’inquiète de l’accaparement de l’eau par une industrie qui en utilise énormément pour laver ses tubercules. « Nous sommes dans une zone sujette aux sécheresses », ajoute l’Ardennaise d’origine en parcourant les alentours du site industriel. Le producteur a annoncé qu’il prélèverait 1 260 000 m3 d’eau par an au maximum. À titre de comparaison, selon la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe), la société Tereos avait atteint une pointe de consommation de 701 642 m3 en 2018. 

« Pendant ce temps-là, on demande aux habitantes et habitants de ne pas laver leurs voitures et leurs vitres en période de sécheresse. Il faut arrêter le délire », appuie sévèrement Francis Regnault, maire sans étiquette de la commune voisine d’Eswars et ancien responsable logistique chez Tereos

 

Agristo a fait appel à un hydrogéologue agréé par les services de l’État pour évaluer les risques du pompage dans les nappes phréatiques. « Le rapport indique qu’il ne devrait pas y avoir de problème de disponibilité de l’eau dans les années à venir », souhaite rassurer Sylvain Bourdon, chef de projet de la société belge et futur chef de l’usine. S’il trouve « légitime que certains habitants se posent des questions », il écarte un scénario de restrictions d’eau en cas de sécheresse. 

De multiples recours

Réginald Dazeur connaît la sucrerie comme sa poche puisqu’il y a passé toute sa carrière comme responsable. Retraité, il observe avec sa femme les opérations de démantèlement de son ancien lieu de travail depuis la fenêtre de sa maison. Appartenant au collectif d’opposition, il se montre plus modéré. « Je ne crains pas qu’on manque d’eau », tranche-t-il, sûr de lui. Et de nuancer : « J’ai davantage peur de l’affaissement des sols avec de faibles niveaux de remplissage des nappes. »

Les membres d’Aqverse poursuivent leur combat en multipliant les recours en justice. Ils espèrent bien mobiliser le reste de la commune lors de l’enquête publique qui devrait débuter en mars prochain. Zone ornithologique ou coulée verte, ils ne manquent pas d’inspiration pour proposer des alternatives aux pouvoirs publics et valoriser autrement l’ancienne sucrerie. Agristo, quant à lui, souhaite débuter les travaux d’aménagement vers le dernier trimestre 2025 et remplir ses premiers sachets de frites surgelées courant 2027. 

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