Au Crotoy, les habitants bravent l’interdiction de baignade

Depuis 2018, la baignade est interdite dans le village. En cause : la présence de bactéries nocives. Pas de quoi empêcher habitantes, habitants et touristes de piquer une tête.

Quand toutes les plages des Hauts-de-France invitent à la baignade, le Crotoy fait figure d’exception. Depuis bientôt sept ans, il est interdit de se baigner au Crotoy, village de 1 972 âmes. La décision a été prise par la préfecture de la Somme, suite aux alertes de l’Agence régionale de santé (ARS) sur la présence de particules fécales. Ces dernières produisent la pollution des eaux par des bactéries comme l’Escherichia coli (E. coli) et d’autres entérocoques intestinaux. Selon le rapport de l’ARS, elles sont responsables de gastro-entérites, d’otites, voire de cancers.

Un mystère non résolu

L’origine exacte de cette pollution reste floue. « Les causes sont multiples », affirme Olivier Hernandez. Le guide nature et expert du littoral crotellois, propose une piste supplémentaire. La nouvelle station d’épuration locale « ne peut épurer que des eaux qui lui parviennent, or il y a encore des rejets dans le milieu naturel qui arrivent dans la baie de Somme sans avoir été traités directement », explique-t-il. Pour confirmer ces propos, l’ARS s’adresse directement à la collectivité. La mairie, gestionnaire de la station d’épuration municipale, n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.

Malgré tout, sur le sable du Crotoy, la vie continue. Francine et Philippe, retraités installés ici depuis vingt ans, avouent sans réticence : « Nous nous sommes déjà baignés et nous n’avons jamais été malades. Nos petits-enfants non plus. » Leur discours fait écho à celui de Franck Pocholle, boucher du village. Il questionne l’incohérence des restrictions : « Pourquoi interdire la baignade mais pas le longe-côte ? »

L’E. coli est potentiellement problématique si on l’ingère, ce qui est susceptible d’arriver aux enfants qui se baignent.
Olivier Hernandez, guide nature au Crotoy

Olivier Hernandez, qui organise des balades dans la baie pour les touristes, dit ne pas avoir reçu de restrictions particulières : « L’E. coli est potentiellement problématique si on l’ingère, ce qui est susceptible d’arriver aux enfants qui se baignent. Tant qu’on se balade et qu’on ne boit pas d’eau, on est en sécurité. » Sur place, l’interdiction de baignade semble presque invisible. Au loin, des pratiquants de longe-côte, un sport qui consiste à marcher dans de l’eau qui arrive au menton, slaloment dans les courants gris. « L’eau est bonne ! », lance une nageuse, inconsciente des risques encourus.

Pour les touristes, l’information est quasi inexistante. « Je n’ai vu aucun panneau », confie un vacancier belge. Venue de l’Oise, Ania est souvent de passage au village. Elle n’a « jamais vu aucune communication de la mairie. » 

Ce n’est qu’au poste de secours qu’une feuille détaille vaguement l’arrêté préfectoral. Sur ce point, le maire du Crotoy Philippe Evrard a accepté de répondre, en minimisant l’ampleur du problème : « Cette pollution ne me dérange pas ! » Comment les habitantes et habitants ont-ils appris la nouvelle ? « Ça a été écrit dans la communication de la commune », se remémorent Philippe et Francine qui l’ont appris dans le bulletin municipal semestriel. Mais dans un petit village, comme celui du Crotoy, le bouche-à-oreille est un moyen de communication tout aussi puissant.

Une chose est sûre, les baigneurs et baigneuses semblent peu préoccupés par le risque. La pollution de l’eau semble même renforcer un sentiment d’appartenance. Ce paradoxe, où la résilience frôle l’inconscience, illustre une fracture entre les autorités et ceux qui vivent sous contrainte près de la plage. La question reste ouverte : les Crotelloises et Crotellois nageront-ils encore longtemps à contre-courant des alertes sanitaires ? 

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