Accès à l’eau des précaires : la MEL accusée de manquer à ses obligations légales

Plusieurs associations et ONG s’inquiètent de graves conséquences sur la santé des habitants et habitantes de bidonvilles. Selon elles, le diagnostic territorial obligatoire n’a pas été réalisé dans les délais.

Des camionnettes, de la tôle, un vieux canapé. Sur 100 mètres, à l’est de la ville, coincé contre le périphérique, subsiste l’un des deux bidonvilles lillois. Plusieurs autres sont installés « historiquement » à Villeneuve-d’Ascq, explique Isabelle Fourot, la directrice de l’agence Hauts-de-France de la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé-Pierre). Souvent, ces habitats informels ne disposent pas d’eau courante. La « précarité hydrique » concerne aussi bien les habitants de bidonvilles et les sans-abris, que des logements sans eau courante, des ménages incapables de payer leur facture d’eau ou des « squatteurs »

Les points d’eau publics comme des fontaines et des robinets sont l’un des rares moyens d’approvisionnement pour ces populations vulnérables. D’après un rapport récent de Solidarités International, il n’en existe que 53 sur le territoire de la Métropole européenne de Lille (MEL), dont 42 à Lille. Tourcoing et Roubaix n’en disposent pas. Pour se doucher et accéder à des toilettes, peu de lieux existent. 

Par ailleurs, la situation du logement des plus démunis rend l’ampleur de cette précarité hydrique impossible à estimer : 3 000 sans-abris, 1 200 personnes vivant dans un bidonville et environ 40 000 habitations indignes recensés dans la MEL par les deux associations humanitaires.

Hépatites et maladies cutanées

Ce manque d’eau en quantité, mais aussi en qualité, peut avoir de graves conséquences. Solidarités International cite des « cas de déshydratation, de maladies hydriques et de troubles gastro-intestinaux ». L’ONG mentionne 5 à 15 cas par an d’hépatite A dans la métropole et des cas de maladies cutanées, comme la gale, dues aux difficultés d’hygiène. 

Pour remédier à ces problèmes, la MEL, chargée de garantir l’accès à l’eau sur son territoire, revendique consacrer « 1,1 million d’euros au volet social de l’eau ». La somme finance une « tarification sociale » et la distribution de « chèques eau » destinées prioritairement aux allocataires du RSA pour les aider à payer leurs factures. 

Pas suffisant pour Elise Duloutre, chargée de plaidoyer pour l’association d’aide humanitaire : « Ces dispositifs ne concernent pas les publics non raccordés à l’eau. »

Depuis 2023, la transposition du droit européen impose l’établissement d’un diagnostic territorial d’accès à l’eau pour certaines collectivités. Mais « 90 % d’entre elles ne respectent pas les délais, faute de moyens et de temps », selon Eric Landot, avocat de plusieurs services d’eau. La MEL n’est pas une exception. L’étude n’a pas été réalisée cette année, accuse Solidarités International. Une déclaration « inexacte » selon la métropole. Cette dernière indique qu’« un premier document est en cours » de réalisation et lui permet d’ « éclaircir les problèmes à régler et les actions déjà en place ».

Bidonvilles démantelés

Pour faciliter l’accès à l’eau des plus démunis, la Fondation pour le logement des défavorisés et Solidarités International sont autorisées à raccorder plusieurs bidonvilles au réseau d’eau métropolitain. Elles ont également installé en pleine rue des robinets « sommaires », destinés à l’usage quotidien. « On reste très loin des sanitaires et des douches », précise Isabelle Fourot. 

Cependant, ce raccordement ne porte pas ses fruits. En effet, plusieurs bidonvilles ont été démantelés, multipliant le nombre de sites d’habitats informels. Ces nouveaux sites sont à leur tour privés du réseau d’eau. « Leurs priorités sont les expulsions », déplore Elise Duloutre. 

Défiler vers le haut
Close