« On passe la plupart de notre temps à contrôler » : face au braconnage, la police de la pêche reste aux aguets

La fédération de pêche du Nord emploie quatre garde-pêches pour lutter contre le braconnage. Ils surveillent cette activité de loisir en eau douce dans tout le département pour préserver les populations de poissons. En hiver, les pêcheurs se font rares, mais ces agents sont sur le terrain, à la recherche de contrevenants.

Carl*, garde-pêche de la fédération de pêche du Nord, roule sur les chemins de halage du bord de la Scarpe, entre Saint-Amand-les-Eaux et Douai. Son regard balaie l’horizon pour apercevoir un pêcheur, une pêcheuse. Peu d’entre eux et elles bravent la brume de janvier.

Avec son collègue Tom*, ils en croisent un premier. Il traîne son matériel dans un chariot le long de la berge. « Bonjour monsieur, police de la pêche, contrôle de carte s’il vous plaît ». En 2023, sur les 3 000 pêcheurs contrôlés par les quatre agents de la fédération, 504 infractions ont été relevées. Parmi elles, 65 % d’absences de carte de pêche et 15 % de procédés et modes de pêche prohibés, comme l’utilisation d’hameçons doubles ou triples sur certains secteurs.

Un travail de terrain constant pour préserver les espèces

D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature, en 2019, en France métropolitaine, une espèce de poissons d’eau douce sur cinq était menacée, 8 % dans le département. La réglementation vise notamment à préserver la truite, l’anguille et le brochet. Ce dernier, classé comme vulnérable, doit obligatoirement être remis à l’eau (no-kill) sur trente-quatre des soixante-dix kilomètres de la Scarpe.

Des garde-pêches contrôlent un pêcheur à Douai. ©Elléa Monnier-Ragaigne

Le rôle des garde-pêches : protéger ces espèces des personnes qui ne respectent pas les réglementations. Pour mener à bien cette mission, ils sont épaulés par 89 gardes bénévoles, aux profils variés, qui surveillent sur leur temps libre le secteur de leur association. En 2023, les surveillants fédéraux ont exercé pendant 2 300 heures. Les bénévoles cumulent quant à eux 2 734 heures. « On passe la plupart de notre temps à contrôler », explique Tom. Chaque binôme roule plusieurs centaines de kilomètres par jour pour sillonner la région. Au total : 4 500 kilomètres de cours d’eau à surveiller. 

C’est le président de la fédération, Daniel Skierski, qui a érigé cette mission au cœur de leurs actions. Il a créé deux postes de garde-pêches à temps plein à son arrivée à la tête de l’association en 2016, puis deux autres en 2021. « Cette garderie, c’est mon bébé. Il faut assurer la police de la pêche », déclare-t-il dans son bureau du Quesnoy.

Tom et Carl observent les poissons. ©Elléa Monnier-Ragaigne

 En 2023, 19 % des 713 000 euros obtenus par la fédération grâce à la carte de pêche étaient alloués à cette mission. Les travaux de restauration, inventaires piscicoles et études de terrain cumulés en représentaient 25 %.

La délation, un outil important

Il est impossible de mesurer les effets du braconnage de loisir. « Je ne crois pas que ça ait un impact, juge Josselin de Lespinay, administrateur de l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières. En ce sens, le contrôle n’est pas utile. En revanche, les garde-pêches sont très importants pour repérer des pollutions, des destructions de frayères… », ces lieux où les poissons déposent leurs œufs.

« J’ai aperçu un silure d’1,6 mètre », les informe un pêcheur. Carl et Tom remontent à la fédération les informations recueillies : des berges qui nécessitent un entretien, des fermetures de dépositaires de cartes de pêche, les quantités de poissons pêchés ou observés, etc. Eux-mêmes se définissent comme les « yeux et les oreilles » de la fédération.

Les deux surveillants croisent un pêcheur en train de changer ses leurres, de petits poissons factices. Pendant que Carl jette un coup d’œil dans son coffre, sans y voir de brochet, il raconte que certains ne relâchent pas leurs prises dans ce segment no-kill du canal. La délation est un outil important pour les contrôleurs. Ils pourront planifier une planque dans l’espoir de prendre les braconniers en flagrant délit.

 

* Les prénoms ont été modifiés.

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